Il était une fois --- les Trois Nains de la forêt
Contes des Enfants et du Foyer, des frères Grimm, n°13
Une marâtre conçut pour sa belle-fille une violente haine, et elle chercha par
tous les moyens à la rendre malheureuse. Elle était jalouse de la voir si belle et si gracieuse, tandis que sa propre fille était si laide et si désagréable.
Un jour d’hiver que le froid avait durci la terre et que la neige cachait monts et vallées, la femme fit venir la jeune fille.
— Va au bois me quérir une corbeille de fraises : j’ai envie d’en manger.
— Mon Dieu ! répondit la jeune fille. Il n’y a point de fraises l’hiver, la terre est gelée et tout est couvert de neige. Comment pourrai-je sortir avec ma robe légère ? Il fait si grand froid que la bise va la traverser et que les épines me l’arracheront du corps !
— Est-ce que tu ne veux pas m’obéir ? répliqua la mégère. Va-t’en tout de suite et ne reviens qu’avec ton panier plein de fraises.
Elle lui donna alors une miche de pain sec et ajouta :
— Tu pourras la manger tantôt.
Et cependant elle se disait : Elle mourra dehors de froid et de faim, et je serai débarrassée d’elle à tout jamais.
La jeune fille se résigna et s’en fut, son petit panier au bras.
Il y avait partout de la neige et pas un brin d’herbe. Quand la malheureuse entra dans la forêt, elle aperçut une maisonnette où trois nains la regardaient venir. Après leur avoir dit bonjour, elle heurta à la porte. On l’invita à entrer et elle alla s’asseoir près du poêle, sur un banc, pour se réchauffer et manger son pain.
— Donne-nous-en un peu, lui dirent les nains.
— Je le veux bien, répondit-elle.
Elle fit deux parts de son pain et leur en donna une. Ils lui demandèrent :
— Que cherches-tu par un froid pareil ici, dans le bois, avec ta robe d’été ?
— Hélas ! dit-elle, il faut que je cueille une corbeille de fraises, et je ne puis sans cela rentrer au logis.
Quand elle eut fini de déjeuner, ils lui mirent un balai en main et lui dirent :
— Balaye la neige derrière la porte.
La jeune fille balaya la neige derrière la porte de la petite maison et y trouva de superbes fraises bien rouges et bien mûres. Toute joyeuse, elle en cueillit un plein panier, remercia les nains, leur dit adieu et courut porter les fraises à sa belle-mère.
http://fr.wikisource.org/wiki/Les_Trois_Nains_de_la_for%C3%AAt
Il y a 200 ans, les gens rêvaient encore et se contaient de belles et cruelles histoires.
Aujourd’hui, le miracle des fraises en hiver est devenu d’une banalité attristante, comme le rapporte Arte dans son Globalmag (vendredi 19 heures) :
http://www.arte.tv/fr/2496746.html
S’il n’y avait que des fraises, mais il y a bien d’autres choses inquiétantes dans nos assiettes :