« Un inconnu vous offre des fleurs », cela vous rappelle-t-il 1981, cela vous est-il déjà arrivé ? À moi oui. J’étais plus jeune, en train de prendre un café à une terrasse devant le square de Montholon, lorsqu’un jeune homme m’offrit un très beau bouquet.
Le bonheur en plus intense s’est reproduit le dernier jour du mois de novembre. Je descendais de la butte Montmartre, lorsque subitement un
jeune homme me demanda si j’aime l’opéra. À ma réponse affirmative, il me remit deux invitations pour la répétition générale à l’Opéra Bastille
valable le soir même : « Andrea Chénier » d’Umberto Giordano avec le ténor argentin Marcelo Alvarez dans le rôle-titre.
Somptueux cadeau, magnifique surprise, clôturant un mois de novembre qui avait été plaisant du début à la fin.
Nous étions à deux heures du commencement de la répétition, aucun de mes amis ne fut joignable au téléphone pour m’accompagner.
Devant l’entrée du temple de la musique, j’aperçus de nombreuses pancartes « Cherche invitation » ; j’ai donné mon deuxième carton à la première personne rencontrée. Car les répétitions générales ne sont accessibles qu’aux invités. – Au fait, je viens de noter les dates des
générales 2010 et me posterai dès le 12 janvier avec mon panneau à la Bastille : « Cherche invitation pour Werther »…
Lundi soir, le public entrait par le niveau 0 pour être dirigé vers les ascenseurs. 4e étage, porte 12, premier balcon pair. Tarif normal : 77 €.
Pour le dire tout de suite, fin novembre 2002, j’occupai une
place au parterre pour assister à la représentation de Turandot. J’avais monté les grandes marches, parcouru la galerie en jouissant de l’harmonie
architecturale, puis de la qualité acoustique.
Le premier balcon en 2009 m’a fait voir le contraste : acoustique très moyenne, distance à la scène trop grande, couloirs évoquant un aéroport plus qu’un lieu de culture. Ma voisine m’a dit spontanément que l’architecture du lieu est peu attrayante. À l’entr’acte, je lui ai fait découvrir le niveau 1. Il faudrait que l’entrée se fasse toujours par là pour que le public puisse apprécier la majesté de l’endroit.
Après le lever du rideau d’Andrea Chénier, les costumes des nobles, des Incroyables, du peuple
créés par Maria Filippi enchantaient les spectateurs. Ces habits
et les décors de Carlo Centolavigna illustraient bien l’ambiance de l’année 1794. Cependant, depuis le balcon, nous voyions des reflets et des ombres parasites que l’éclairagiste Wolfgang von
Zouber n’avait su gommer.
L’orchestre sous la baguette de Daniel Oren couvrait parfois les voix des solistes. La harpe était bien synchronisée avec l’acteur faisant semblant de jouer du piano sur une scène. Excellentes aussi les percussions dans les coulisses, évoquant l’arrivée des manifestants. La mise en scène de la première partie fut la plus réussie.
Dans la troisième partie, Marcelo Alvarez et Micaela Carosi ont eu du mal à surmonter quelques difficultés, probablement en raison d’une fatigue passagère.
Ce « dramma historico » en quatre actes composé en 1896 par Umberto Giordano sur un livret de Luigi Illica sonnait familier aux connaisseurs de musique qui y ont retrouvé le style en vogue au 19e siècle. L’aspect amusant pour les Français : voir et entendre une page des années de la Terreur en langue italienne. L’époque avait été propice aux emphases, aux déclamations, aux symboles ; de nos jours, cela paraît joliment kitsch. Aimer la patrie à la folie, choisir la mort pour aimer à l’éternité…
Malgré ces quelques critiques, j’ai passé une excellente soirée et remercie chaleureusement le jeune homme inconnu qui me l’a offerte. Le
jeune homme s’appelle David, c’est ce qu’il ma dit avant de partir.
http://www.planet-opera.com/production.php?repre=250&nom=Andrea-Chenier-Opera-Bastille